Monday, November 27, 2006

Genèse (très) romancée d’un projet

Il est 22 heures... peut-être plus, peut-être moins ? Avec ces heures nocturnes qui ne defilent pas tout à fait comme les autres, on ne sait jamais. On ne sait jamais à moins de consulter... Et puis non, c’est sans importance. Cette nuit il m’est agréable de libérer le temps en le débarrassant du carcan des secondes, des minutes et des heures ...

Toutes ces aiguilles le font tourner en rond et lui donnent le tournis alors basta !

Demain il fera jour et la prison refermera alors ses lourdes portes. Profitons de cette intemporalité nocturne !..

A propos de défilé, les images de cette soirée passée à Olsztyn (Warmie-Mazurie) au centre franco-polonais, défilent elles aussi dans mes pensées « au bras » de toutes ces silhouettes fugaces « campagnes-colocatrices » de ma nuit.

Le rideau est tombé sur le 3ème acte de cette saga ligérienne commencée en 2004 (voir l’article : « Robert BARTHE pas à pas » ). Elle sera à l’affiche une trentaine de fois pour mon plus grand plaisir, car, décidément, cette « trilogie » randonnée-reportage-conférence m’apporte beaucoup de satisfactions et trouve des échos favorables auprès du public. Puzzle « sportivo-culturel » qui rabat le caquet à celles et ceux qui pensent, quand ça leur arrive, que sport et culture ne sont pas de la même « famille ».

Qu’il serait dommage de ne plus se revoir ! N’est-ce pas Monsieur Kazimierz Brakoniecki ? Ce voyage et cette rencontre dans le centre que vous dirigez ne peuvent pas être les derniers.

Qu’il serait dommage de ne plus vous rencontrer, vous mes amis de la Maison de la Bretagne de Poznań (Wielkopolska) n’est-ce pas ?

Qu’il serait regrettable de ne plus vous rencontrer, vous autres collectionneurs habitués à qui je ramène des « cartes postales » de mes pérégrinations pédestres, cyclotouristiques, voire fabuleuses.

On ne va pas se quitter comme ça ! Il me faut donc penser à écrire « d’autres pages de vie » pour les feuilleter plus tard ensemble.

C’est bien connu, « la nuit porte conseil ». Je la consulte donc une nouvelle fois, sans détour, « les yeux dans les yeux ». Elle me sera vite grée de ma franchise et ne tardera pas à m’apporter « ses lumières » à condition me dit-elle : « que ces nouvelles pages soient ambitieuses, attractives, et originales ».

Je te le promets

Alors écoute, pourquoi ne pas rallier la France à la Pologne, ces deux pays qui comptent le plus pour toi ?

Tu oublies que j’ai déjà fait ce voyage plus de vingt fois.

Après toutes ces nuits blanches ou « à la belle étoile », nous avons pris l’habitude de nous parler à la 2ème personne du singulier. Mais ne voyez aucun manque de respect dans ce tutoiement, seulement une complicité.

« A toi maintenant de faire travailler ton imagination, tu as déjà prouvé que tu n’en manques pas »

Le compliment est flatteur.

Tais-toi, ta fausse modestie pourrait maquiller un vrai mensonge, tu ne serais pas le premier à le faire »

Depuis mon premier voyage en Pologne, effectué en autocar (1993), j’ai utilisé différents moyens de locomotion : l’automobile, l’avion, et la bicyclette. C’est incontestablement ce dernier mode qui m’a laissé les meilleurs souvenirs. Souvenirs que j’ai confiés dans une nouvelle de quelques pages intitulée « De passage» (à paraître sur le site).

Les autres ne m’avaient rien inspiré de particulier sinon de la lassitude, de l’ennui, et de la fatigue. Mais une fatigue que je qualifierai « d’inutile », incomparable à ces fatiques qui sont le prix à payer pour accéder à « d’autres planètes émotionnelles ». Des villages, des capitales, d’archipels qui ne figurent sur aucune mappemonde !..

Un bref retour dans l’atlas géographique et européen de ma mémoire me donne la quasi certitude qu’il est possible de rallier la France à la Pologne en longeant tour à tour les côtes de l’Océan Atlantique, de la Manche, de la Mer du Nord, et de la Mer Baltique.
Cela répondrait aux conditions imposées par la nuit : ambitieux, attractif et original.

Il me faudra consulter une carte routière de l’Europe pour identifier très exactement les pays qui figurent au générique de cet itinéraire en compagnie de la France et de la Pologne : la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Danemark que ma mémoire avait omis dans son inventaire initial. A moins qu’il s’agisse tout simplement d’une ignorance dûe au désintérêt que je portais aux leçons de mes professeurs de géographie au lycée.

40 années après ce piètre comportement, la motivation étant enfin présente, je réparais ce camouflet par une lecture attentive d’un guide touristique relatif à ce pays le plus septentrional de l ‘Europe continentale qui depuis, attise beaucoup ma curiosité et me fait piaffer d’impatience.

Comme toute chose, la nuit a ses limites, alors, son écran se brouille. Elle ne m’en dira pas plus lors de son régne du 22 au 23 mars 2006. J’aurai recours à un autre écran (celui d’un ordinateur) et à des moyens plus sophistiqués (Internet) pour avoir une évaluation de la distance totale de cette nouvelle existence aventureuse de 6000 kilomètres, qui « commence à bouger ».

6000 kilomètres soit, entre 1/6ème et 1/7ème du tour de la planète Terre !...

A propos de Tour du Monde, Monsieur Jules Verne, dont la France célébrait le 100ème anniversaire de la disparition en 2005, n’avait pas hésité à multiplier les moyens de locomotion à la disposition de son héros Philéas Fogg pour lui permettre de boucler le sien en 80 jours : paquebots, navires de commerce, trains, voitures, yachts, éléphant et traîneau à voile... excusez du peu !

Hormis l’éléphant et le traîneau à voile, je ne voyais rien de très excitant et de très sportif dans cette liste hétéroclite dûe à la prolixe et aventurière plume du célèbre Nantais. Je décidais donc d’occulter les 5 premiers que je laissais à d’autres « baroudeurs » du XXIe siècle plus près des formules « clefs en mains », très lucratives pour les compagnies des Tours Operators, que des formules « chaussures de randonnée aux pieds ».

Il me restait à choisir entre le pachiderme trompeur et le traîneau. Pour le premier, je ne me sentais pas l’âme d’un cornac pour marcher sur les traces des compagnons du général Hannibal dans sa lutte contre les Romains. Pas plus que je ne croyais en mes talents de vocaliste pour imiter le cri de Tarzan. J’en étais certain, la petite sirène de Copenhague ne succomberait jamais au chant de cette pâle imitation. Quant à me faire passer pour Mowgli, je n’y songeais même pas. Le dernier miroir que j’avais consulté m’en avait sévèrement dissuadé.

« Tu ne fais plus très gamin pour te promener avec un livre dans la jungle européenne » m’avait-il lancé au visage.

Restait le traîneau cher à Roald Amundsen, Paul-Emile Victor, Marek Kamiński, Jean Malaurie, Nicolas Vannier et autres admirables « Hommes des neiges et des glaces ». Aussi séduisant que puisse paraître ce mode de déplacement, j’ai vite démontré les limites de mes compétences dans le domaine de la glisse lors de l’hiver 2004-2005 à l’occasion d’une randonnée en luge tractée par un cheval, dans les sous-bois d’une forêt proche de Kórnik (région de Poznań). Et qui plus est, la poudreuse ne m’était pas garantie sur tout le parcours en ces régions plus méridionales que le Groenland qui, je l’avais appris en lisant le guide touristique, avait obtenu un statut d’autonomie interne le 1er mai 1979, sans cesser de faire partie du royaume de Danemark.

Il ne me restait plus qu’à refermer le chef-d’oeuvre de Jules Verne et laisser le gentleman britannique et son domestique Passepartout à leurs bagages...

J’avais bien dans les miens quelques « engins » destinés à un spectacle que je devais mettre en scène en juin à Pniewy dans le cadre d’un festival de théâtre de rues pour enfants et adolescents.

Que deviendront-ils au soir du dimanche 4 juin, quand le rideau tombera sur ces réjouissances théâtrales, que l’on doit à l’initiative de mon amie Anna Zalewska? L’un d’entre eux ne pourrait-il pas convenir à cette déambulation côtière qui, j’en étais certain, n’y perdrait rien de son originalité.

« Qui risque rien n’a rien »... Fort de ce slogan entreprenant, je décidais de passer à l’action et en revue ces éventuelles réponses à mon questionnement.

Un bon dessin, ou une bonne photo, valant mieux qu’un long discours, voici, surprises par l’objectif de mon ami Artur Szych, acteur et metteur en scène de théâtre, des vues sur ces essais menés dans l’intimité du village de Orliczko.

Essai no1 : la baignoire

Après avoir été instructeur de kayak de mer pendant quelques années, le maniement de cette embarcation ne m’effrayait pas le moins du monde. La perspective de voir « la vie en rose » comme le granit du côté de Trebeurden et de Ploumanac’h ou celle de prendre d’assaut la forteresse de Fort la Latte avant de « rendre visite » au corsaire malouin Robert Surcouf m’émoustillaient même beaucoup.

Ainsi équipé de pied en cap, ce qui me situait entre le commandant Cousteau, le grand océanographe dont mon fils Mickaël semble vouloir prendre la relève, et Alain Bombard qui, en 1952, réussit la traversée de l’Atlantique en solitaire à bord d’un canot pneumatique, je me sentais paré comme un grand navigateur.

Mais, au large de Skagen, la où la Mer du Nord « passe le témoin » à la Mer Baltique, par un vent de force 5 ou 6 sur l’échelle de Beaufort, ne craignais-je pas de rejoindre dans le destin, et par les fonds marins, les centaines de victimes du naufrage du Titanic qui, en 1912, a prématurément mis fin à sa croisière inaugurale au large de Terre-Neuve.

Ayant opté pour le don de mes organes après ma mort, je préfère que ce soit au service de mes frères humains plutôt qu’aux poissons, même si je suis né sous le signe astral du même nom.

Conclusion : solution trop aquatique !

Essai no2 le carosse

Trois des pays que l’histoire et la géographie ont placé sur mon itinéraire ont, à leur sommet, des monarques. Ces « têtes couronnées » sont : Albert II en Belgique, Béatrix aux Pays-Bas, et Marguerite II au Danemark.

Me voyant déambuler sur ce carosse, le peuple ne me prendrait-il pas pour le quatrième de la bande ? Et, inspiré par Georges Brassens, ne se mettrait-il pas à crier « Vive Robert Ier, roi des cons ! » sur mon passage ?

Ce trône là ne me dit rien qui vaille.
Conclusion : solution trop monarchique !

Essai no3 : la vache

Dans le film « La vache et le prisonnier » de Henri Verneuil, Fernandel, accompagné de sa vache Marguerite, parvient à s’évader d’une ferme allemande dans laquelle il est soumis au Service de Travail Obligatoire (S.T.O.) en parcourant des dizaines et des dizaines de kilomètres à pied. Et pourtant, « ça use, ça use... »

Certes, je n’ai pas le talent du grand comique marseillais, mais ne pourrais-je pas former un nouveau tandem sacré avec ma campagne à 4 pattes dans un remake intitulé « la vache et le globbe-trotter » ?

Conclusion : solution trop cinématographique !

Essai no4 : les échasses

photo prise lors du festival de théâtre de rues pour enfants et adolescents de Pniewy en 2004.

Si le franchissement des estuaires et des fjords m’auraient été facilités, je ne devais pas oublier qu’au printemps 2007, le combat politique pour la victoire dans la « course à l’Elysée » sera à son paroxysme. Sur les plages de sable fin de Bretagne et de Normandie, le risque serait trop grand qu’on me prenne pour une autruche.

Et, si sur les côtes de Flandres un voisin Wallon en villégiature « une fois » me prenait pour un « Flamand » favorable à l’autonomie de sa région ?


Conclusion : solution trop politique !


Conclusion : solution trop politique !

Essai no5 : le monocycle

Bien sûr, les enfants seraient ravis de me voir passer ainsi. Il suffirait que je mette un nez rouge, la magie fonctionnerait car c’est enfantin ! Il m’arrive de jongler et de jouer de l’accordéon sur mon monocycle.

Je n’aurai même pas besoin de leur parler, mon nez rouge leur dira tout ce qu’ils voudraient entendre, leur montrera tout ce que leurs yeux voudraient voir...

Ils m’applaudiraient en Flamand, en Néerlandais, en Allemand, en Danois, en Polonais ... Et moi, malgré ma méconnaissance de toutes ces langues, je comprendrais tout ! ...

Plus de barrière linguistique, une Hanse Européenne de la joie grâce à un nez rouge et à un monocycle !..

Conclusion : solution trop utopique !

Trop aquatique, trop monarchique, trop cinématographique, trop politique, et la plus terrible d’entre elles : trop utopique ! Toutes ces sentences qui se terminent par « ique » me faisait craindre le pire. Et si ces « ique » se transformaient en « hic » ? Ce petit mot invariable de 3 lettres, synonyme de difficultés et d’embûches, m’ordonnaient de revenir les pieds sur terre.

Eurêka, j’ai trouvé ! s’exclama Archimède en découvrant dans son bain la poussée des liquides sur les corps immergés.

Comme le savant grec, dans le bain de ma problématique, je venais de trouver la solution.

« les pieds sur terre !.. » Je ferai cette randonnée à pied même si ce choix me ramenait au paléolithique supérieur où l’Homme de Cro-Magnon se démarquait des autres espèces animales par l’adoption de la station verticale !

C’était décidé, je ferai cette randonnée à pied !

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